Petits poèmes
diversement appréciables
mais néanmoins écrits
…à
l’écoute de pièces au piano d’Erik Satie
NB :
(cliquer sur les titres pour leur écoute)
Enfantine aguerrie n° 1
Il
est venu calme, s’est arrêté près de l’alambic, l’a reniflé. Il est parti. Le
vent aussi a circulé dans cette pièce. Puis l’insistance, sûre de son pas, a
répété cette évidence neuve. Trois petits mots et s’en vont les œillères, les
casques abrutissants. Il reste pour mille ans le chant d’agnostiques velus que
j’aime prétendre mes enfants. Ce sont paroles hirsutes, propos bellement
illusoires, pointes bleues et soleils.
Enfantine aguerrie n° 2
Le
jus coule des beaux tuyaux. Il scrute l’intérieur, l’intrépide, l’inconscient,
l’inconcevable, l’indu. Il dénie l’heure préférable pour la simple raison qu’il
serait néfaste d’enchaîner les coucous aux chalets suspendus. J’avance mon
godet aux gouttes chaudes ; je bois la vie issue du trou. Sans fond, il
regarde des deux côtés ; je ne sais où je suis. J’invite les fantômes à
prendre chaise à mes côtés. Je garde le chandelier au pied du lit.
Enfantine aguerrie n° 3
Entendre l’ombre, prendre place sous l’avancée des
dieux, construire son silence de brins, de bouts, d’onguents. De quelques
petits pas saisir ce qui sous-tend notre tablée. Quel bonheur ignorerait tes
doigts charmés d’épices ? Entre chaque illusion les gouttes de rosée
incitent à réfléchir l’incidence des songes.
De Grave permission n°1
Le sel s’entend à douce
oreille. Il souffle l’entrevue tel un encens de romance bleue. Qui vient par ce
soleil parler, chanter nos rengaines ? Qui prend vie par-delà les
regards ? Seul le soupçon saura suggérer l’indiscrète aventure du clin
d’œil et du rire. Je note les tuiles offertes au salut de l’âme. De lieu en
lieu, je cours mes racines aux bras ; j’embrasse levant et couchant.
De Grave permission n°2
A l’entour des organes,
il a prévu la déglutition. A moi d’en dire le moment et la force… Quand ralentit
l’écho des semailles profanes, je suis un homme nu, un homme au ressentiment
détenu par l’oracle, un homme de faible foi, un homme aux pleurs discrets,
certains.
Enfantillage de plein accord n°1
Rien de moins sûr que ce
que j’assène puissamment, lourdement, presque amoureusement, peut-être
sereinement ou joyeusement. Rien de moins sûr que mon insistance à me
convaincre moi, à vous convaincre vous de l’utile et de l’inutile partance
là-bas, là-bas !
(Croquis
et agaceries d’un gros bonhomme en bois n°1)
Enfantillage de plein accord n°2
Il est matin comme il
serait soir, amical, cordial, de juste déraison agrémentée. Il est matin par
son incontestable légèreté. J’ai des projets plein la tête, des horaires à ne
pas respecter ; des haussements de respiration à tenir, à affirmer de
belles notes contrastées. Il est matin et je vais prendre mon ballot, aller au
champ, suivre le sillon de mes groles, enfin boire au goulot…
(Croquis
et agaceries d’un gros bonhomme en bois n°2)
A l’Amble du bric-à-brac n°1
A cet instant il est
question de mon énervement, de mon incapacité récurrente à réfréner mes
tremblements. Je ne devrais pas en parler, le garder pour moi, dans mon petit
lit, douillet. Je devrais pétrir mon ventre de mes mains jusqu’à l’oubli.
J’entreverrais peut-être alors la rémission des comptabilités, autrement dit la
réfection de fond en comble de nos cranes.
A l’Amble du bric-à-brac n°2
Je vais d’un pas de
veuf. Posément, pesantement, à peine amèrement ; je vais d’un pas de veuf,
vous dis-je ! Gravement, élégamment, distraitement encore. Je vais d’un
pas de veuf, tout neuf ! Je fais preuve, quand il me plaît, de
coquetterie, car je suis veuf, un veuf de premier ordre, de grande bienséance,
de douce déchéance, un veuf pour veuve, évidemment !
A l’Amble du bric-à-brac n°3
La colline se gravit à petit cheval. Je le sais,
nous tenons ça de famille ! Quelques rouges fraîchis derrière le gosier et
nous voilà martelant les yourtes qui
défient les cosaques, casaques claires et toques en l’air. Et nous voilà
feignant l’écume, la selle sous le bras…
Accords assourdis et éclatants sous des cieux bien austères n°1
C’est chamboulé tout
autour, tout dedans, et ça va s’entendre ! Je souriais aux abeilles, aux
corneilles et même aux vieilles pies chagrinées. Je souriais bêtement, il est
vrai ; c’est donc bonne raison que de pleurer cette heure-ci. Alors, je
lève comme le chien ma patte et pisse au tronc jusqu’à la dernière
goutte !
(Croquis
et agaceries d’un gros bonhomme en bois n°1)
Accords assourdis et éclatants sous des cieux bien austères n°2
Peu de bruit au petit
soleil, peu d’allant, peu d’impact dans le corps à corps, certes ! Mais de
temps à autre belle envolée lyrique, charmant éclatement et virevolte ! Il
est ainsi de l’éveil de tout un chacun.
(Croquis
et agaceries d’un gros bonhomme en bois n°2)
C’est gentillesse de belle époque avant l’hypothétique chagrin n°1
Mais où sont-ils donc
passés ? Ils étaient ici ; ils étaient là ! Y suis-je, n’y
étais-je pas, plus, encore, peut-être. Non convenable est ce prétexte à
expression majeure par ce petit bout de lorgnette, par cette queue de pie qui
s’en détourne avec sourire. Non convenable, que nenni ! Très
convenable : l’inconçu est à taquiner matin et soir sans préférence. Seule
prévaut l’opportunité !
(Chapitres
tournés en tous sens n°1)
C’est gentillesse de belle époque avant l’hypothétique chagrin n°2
J’ai des regards qui
passent sous mes fenêtres, des regards lourds, clairs et rances, des regards
féminins, des regards masculins, des regards ni vieux, ni jeunes, des regards
saisis d’abattement, d’impossible révision du bazar, d’impossible fracture des
membres inférieurs, des regards sombres quand l’heure l’indique, des regards
décimés par la chevillette et la
bobinette.
(Chapitres
tournés en tous sens n°2)
Par l’entrebâillement joyeux des matinées n°1
C’est la mise en ordre
et désordre nécessaire au constat et au dérèglement ; c’est de petit tempo, de calme présence à cahots
réciproques, à joyeuse embardée.
Quelques éclats de lit, plon-plon, plon-plon… Quelques rires et soupirs
avant la prébende militaire de nos concitoyens. C’est chez le marchand d’or et
sa douce compagne que nous tiendrons conseil demain. Il sera temps d’écume et
exhalaison.
(Vieux
sequins et vieilles cuirasses n°1)
Par l’entrebâillement joyeux des matinées n°2
Nous allions
marchant en lignes justes, en
claquantes envies réprimées. Nous allions en réguliers régiments distribués aux
quatre coins sanglants. Nous allions prêts pour les défections. Nous allions,
enfants, aux perditions. Il eut suffi d’un horizon pour échapper aux entêtés.
(Vieux
sequins et vieilles cuirasses n°2)
Par l’entrebâillement joyeux des matinées n° 3
Les comptines défont les
culottes des moines qui glissent galamment au sol avec prestance et bure
délaissée. Sur la pointe des pieds, je passe mon chemin le plus vite possible.
Ma discrétion n’a d’égal que mon rire qui tressaute à la gorge. Et claquent aux
oreilles tout un clavier réaccordé, tout un chemin alambiqué aux tours et
détours insistants, aux crinolines hirsutes près des cuisses !
(Vieux
sequins et vieilles cuirasses n°3)
De joutes bienvenues n°1
Je ne sais s’il s’agit d’incertaine
langueur, d’un amollissement des signes. L’appuis marqué de temps à autre des
constantes m’engage à penser qu’il n’en est rien. Le vent est bien le
vent ; ma colère de froide certitude poursuit le terme escompté. Le chant
dessine notre vie.
(Nouvelles
pièces froides n°1)
De joutes bienvenues n°2
D’un pied sur l’autre
mes escaliers sont de hasard, escapades joyeuses, quasi métaphysiques. C’est
par nuit fort obscure que je prends mon envol ; j’apprends le vent
d’éternité, la senteur de pommiers à cidre. J’en aimerais le son perché au
creux du tronc, à coups de poings éveillant à marques forcées nos connivences.
Tu viendrais saisir mon écueil.
(Nouvelles
pièces froides n°2)
Propos venus de par-dessous
Ne caressons pas le yeti
dans le sens du poil, cela le rendrait sûrement nerveux, impropre à la
reproduction ! Et de ça, nous ne voulons ! Bel animal aux attributs
majuscules, affirme ton désir proche du nôtre, tes manières de mufle, ta virilité, si je peux me permettre. Rends-nous l’orgueil des
mâles !
(Descriptions
automatiques n°3)
Propos venus de par-dessous n°2
Cela n’a l’air de rien
ou de bien peu. Pourtant cela existe ; cela tient tête au non-dit et à
l’effacement, sans y toucher comme s’ouvre un portail bien huilé. Et ça va, et
ça vient, et ça construit une courte durée. J’y trouve le calme et la beauté.
La rouge hésitation d’une libellule
Mon sautillement dans
les prés est de pure forme. Il est entretien gymnique, parodie amusée des
circonvolutions. Il laisse place si je veux à l’alanguissement, à la prise d’espace
librement consentie. Non, je ne martèle pas ; j’invite à écouter le chant
du cygne…
(Sonatine
bureaucratique pour piano)
Par nos diverses ablutions
Après la perte de
mémoire, il y a le possible émerveillement, le doute salutaire, l’onde rebelle
à nos doigts. Quelques mots, notes de-ci de-là, parcourent le dénuement. Je
pars aux lendemains vivants. J’entends les voix dissoutes. J’arme mon bras de cœurs
battants.
(Nocturne
n°3 Un peu mouvementé)
Autre philosophie
Quelle insistance serait
nécessaire à l’entente du fond des choses, celui de l’en deçà, des constats
percutants aux gencives ? Quand se dénouent les boniments et les mensonges
afférents, je le crois l’ami des boniches, le confident des émasculés. Les
chiens reniflent avec raison !
(Chapitre
tourné en tous sens n°1 : Celle qui parle trop)
Et presque poésie
C’est gentiment que se fait
le poème, en belle liberté, en excentrique holothurie et flasque amitié
décharnée. Nous sommes crottin et panique, engeance de peu de foi ; nous
sommes vent de l’aube, élongation de termes éthérés. Nous sommes, et c’est
assez à la grande marée inconstante, à l’instant d’ultime féerie. L’amour s’est
engagé sur mon chemin.